Cancer : une maladie chronique
Le terme de « cancer comme maladie chronique » est en réalité de plus en plus utilisé, comme par exemple pour le cancer des ovaires, certains lymphomes et parfois aussi les cancers du sein ou de la prostate métastatiques. Cela s’explique par les progrès considérables réalisés ces dernières décennies dans le traitement de certaines pathologies cancéreuses. Ainsi, les cancers métastatiques, souvent incurables, peuvent désormais être « stabilisés » pendant des années. Le cancer n’a pas que deux issues qui sont soit « être guéri / être en rémission» soit «mourir d’un cancer». Il s’ajoute aujourd’hui aussi celle de « vivre avec le cancer », parfois alors durant de nombreuses années.


Un jour, le médecin m’a annoncé que le cancer était devenu chronique. Je me suis demandé ce que cela signifiait. Pour moi, seuls l’asthme et le diabète pouvaient être chroniques, pas le cancer !
Une amie a présumé que c’était juste une formule du médecin pour ne pas dire que j’allais bientôt mourir. C’était il y a trois ans et je comprends maintenant ce qu’il entendait vraiment par « chronique ». Mon cancer revient malheureusement toujours. Comme je suis suivie de très près, les trois opérations que j’ai subies ont suffi à le tenir en échec.
Marie, 67 ans, cancer du poumon
Que signifie exactement la chronicité associée à un cancer ?
Il n’existe malheureusement pas de réponse simple à cette question car le terme de chronicité n’a pas encore été clairement défini en oncologie. Dans le présent article, un cancer chronique est un cancer non guéri mais contrôlé par les traitements, de sorte que les concernés puissent continuer à vivre des mois voire des années avec la maladie. La pathologie est donc stabilisée au moins pour une certaine période et la vie peut être prolongée.
Quelles difficultés un cancer chronique peut-il entraîner ?
«Vivre avec le cancer » n’est pas « vivre après le cancer ». Les défis auxquels font face les personnes atteintes et leurs proches sont également différents. Avec la chronicité du cancer, les médecins, le personnel soignant et les hôpitaux font partie du quotidien, une expérience en soi marquante pour beaucoup de patients. La chimiothérapie doit être intégrée à la vie comme une nouvelle routine et c’est souvent très déstabilisant. La répétition des traitements médicaux et de leurs effets secondaires lève toute éventuelle ambiguïté : le cancer n’est pas vaincu. La chronicité peut mettre un point final à certains projets tels qu’un désir d’enfant non réalisé. Le couple se retrouve alors à devoir abandonner son rêve, avec le travail de deuil que cela suppose. De l’extérieur, les autres trouvent souvent plutôt réconfortant que bien des cancers puissent aujourd’hui être au moins stoppés ou ralentis, quand ils entraînaient rapidement la mort autrefois. Le prolongement de la vie s’accompagne cependant souvent de troubles/problèmes physiques, parfois aussi de difficultés sociales et financières et de l’angoisse liée à l’avenir avec la maladie. Les problèmes que pose la maladie, aussi « chronique » soit-elle, restent pour les concernés omniprésents la plupart du temps. Une maladie aiguë survenant une seule fois laisse, une fois le traitement terminé, le souvenir d’un épisode de la vie désagréable. La pathologie chronique ouvre en revanche un nouveau chapitre de la vie et il faut d’abord apprendre à vivre avec elle. Il n’est pas toujours facile de trouver le bon équilibre entre la vie de patient et le quotidien normal avec toutes les activités et obligations qu’il suppose.
La chronicité, synonyme d’espoir ?
Un cancer jamais véritablement vaincu peut décourager, que ce soit parce qu‘il faut toujours traiter des récidives ou parce qu’il n’y a jamais de phase de rémission. Les sentiments de tristesse, de peur, de colère ou de désespoir sont alors fréquents. Il faut pourtant garder en tête qu’en matière de recherche contre le cancer, des travaux sont menés sans relâche pour développer les connaissances sur l’apparition de la maladie et mettre au point de nouveaux traitements. Comme mentionné, les nouvelles options thérapeutiques ont déjà fortement contribué à allonger la durée de vie avec certains cancers. De telles avancées donnent de l’espoir.
De nombreux témoignages de patients montrent à quel point l’espoir peut fluctuer ou évoluer à un niveau très personnel.
«J’espère bien sûr qu’un nouveau traitement sera découvert de mon vivant et que j’arriverai à me débarrasser de ce cancer. Lorsque le moral est moins bon, je me raccroche à ce petit espoir, cela me permet de continuer à me battre. » (Marcel, 43 ans, tumeur cérébrale)
« Avant, j’espérais évidemment guérir. Il n’y avait que cela qui comptait. Aujourd’hui, c’est «Vivre avec le cancer » n’est pas «vivre après le cancer ». Les défis auxquels font face les personnes atteintes et leurs proches sont également différents. différent. J’espère pouvoir passer quelques belles journées à la mer avec ma famille. J’espère pouvoir faire cette randonnée avec mes amis le week-end prochain sans trop souffrir. J’espère pouvoir faire encore beaucoup de parties de skat avec mes amis. Enfin, et surtout, j’espère que la cure à venir va avoir un effet réparateur et me fortifier. » (Marie-Anne, 73 ans, cancer de l'intestin)
« Le jour où cela n’ira plus, après toutes ces années à vivre avec le cancer, j’espère que je pourrai mourir sans souffrances et dans la dignité. » Car c’est également cela, l’espoir. Comment réussir à vivre avec un cancer chronique? J’ai mis beaucoup de temps à accepter que je ne me débarrasserais pas de ce cancer. J’ai d’abord été terrifiée, je ne faisais que pleurer, je maudissais la médecine, j’étais en colère que cela m’arrive. En parlant avec mes amis et grâce au soutien de ma psychologue, j’ai réussi à retrouver mon chemin. J’essaie désormais de prendre chaque journée comme elle vient, avec plus ou moins de succès. Je fais en tout cas en sorte d’organiser moi-même ma vie, de la structurer. Certaines connaissances veulent me donner des conseils. Elles me disent de vivre au maximum, de voyager, de faire et de découvrir des choses. Comme si c’était possible chaque minute de chaque journée… Non, je profite de mon quotidien. J’apprécie prendre un café le matin avec mon mari, lire, jardiner. Cela peut paraître banal mais j’aime savoir que cette normalité existe encore. » (Carmen, 62 ans, cancer du sein métastatique)
Le témoignage de Carmen montre sa façon très personnelle de vivre la chronicité du cancer. L’important à ses yeux est de maintenir le quotidien, de profiter de sa «normalité ». Il n’existe pas de manière unique et correcte de faire face à un cancer chronique, à chacun de trouver sa voie. Ne pas s’éloigner de ce qui compte dans sa propre vie, des valeurs auxquelles on est le plus attaché (famille, travail, activité, sport, voyage, nourriture, pour ne nommer que celles-là) est important, même avec une maladie chronique.
Apprendre à vivre avec le cancer
Il est parfois bon de ne plus aspirer sans cesse à la normalité passée et de se chercher une normalité qui intègre le cancer. Selon de nombreux patients, les choses sont devenues plus faciles dès lors qu’ils ne se sont plus battus contre une réalité différente de celle qu’ils souhaitaient, à savoir vivre en bonne santé. Pour trouver un nouvel équilibre, il leur a fallu accepter les nouvelles données non modifiables. Aucun guide n’explique comment parvenir à cette normalité, chacun doit trouver la forme qu’il souhaiterait lui donner, ce qui est pour lui important. Les expériences d’autres patients permettent de savoir ce qui les y a aidés.
Le dialogue avec l’oncologue : discuter régulièrement avec son oncologue des nouvelles options thérapeutiques et s’informer ou échanger sur les dernières découvertes en matière de recherche médicale peut être utile. Il ne faut pas hésiter à ouvrir le dialogue avec son médecin.
S’informer des traitements : s’informer des effets secondaires d’un traitement permet de les anticiper quelque peu, d’être moins surpris. Cela donne aussi la possibilité de prendre des décisions éclairées sur les options thérapeutiques et de gagner un sentiment de contrôle.
Créer des « zones sans cancer » : nombreux sont les malades qui trouvent très agréable d’avoir des « zones sans cancer » dans leur vie. Il s’agit de lieux ou d’activités où le cancer n’occupe qu’une place mineure, où il n’est pas le sujet principal. Il n’est pas question de refouler sa maladie mais plutôt de ne pas laisser le cancer être toujours au cœur de toutes les conversations et toutes les pensées.
Parler à des proches de ce que l’on vit, de ses peurs et de ses préoccupations peut également soulager. L’échange avec d’autres malades peut permettre de valider ses propres sentiments, pensées et espoirs et de savoir ce qui les a aidés dans les moments difficiles. Régulièrement, les psychologues de la Fondation Cancer proposent aussi des groupes de parole.
Le soutien d’un professionnel peut être pertinent lorsque le stress devient trop oppressant, les peurs et angoisses trop importantes. Il n’existe pas de manière unique et correcte de faire face à un cancer chronique, à chacun de trouver sa voie. info cancer n°97 juin 2019 profitent de la neutralité d’une personne telle qu’un psychologue ou un psychiatre pour parler de leurs préoccupations et des questions existentielles.
Un cancer devenu chronique peut également être excessivement difficile à vivre pour les proches.
« Vivre avec cette incertitude est difficile pour nous tous. Nous ne savons pas vraiment comment planifier l’avenir vu que nous ne savons pas combien de temps le cancer restera stable. D’un autre côté, nous ne pouvons pas mettre constamment notre vie commune entre parenthèses. Quand la maladie passera-t-elle de chronique à vraiment aiguë ? Je suis parfois très partagé. » (Marc, 45 ans, son épouse est atteinte d’un cancer des ovaires).
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Le service psychosocial de la Fondation Cancer est constitué psychologues diplômées aux qualifications psychothérapeutiques supplémentaires qui sont disponibles pour soutenir les malades et leurs proches.
L’offre de la Fondation Cancer est entièrement gratuite. Les entretiens peuvent se dérouler en luxembourgeois, en allemand, en français, en anglais, en grec, en espagnol et en portugais. L’aide psycho-oncologique s’adresse également aux proches ou aux couples qui cherchent à mener ensemble aussi bien que possible leur vie avec un cancer chronique.
