Nouveautés dans la prise en charge des cancers gynécologiques
L’étude keynote-B96 montre pour la première fois un bénéfice de l’immunothérapie dans le cancer de l’ovaire. Jusqu’à présent, plus de 10 000 patientes avaient été incluses dans plusieurs études depuis dix ans, sans efficacité démontrée.
Ce bénéfice a été démontré pour des cancers évolués déjà traités par plusieurs chimiothérapies et où la carboplatine ne marche plus, ce qui est de mauvais pronostic. L’immunothérapie associée à la chimiothérapie par paclitaxel augmente de façon significative la survie de certaines patientes dont la biopsie montre une sensibilité à l’immunothérapie.
Également pour les cancers de l'ovaire, des études préliminaires ont montré des résultats encourageants des nouveaux médicaments : ADC, les anticorps conjugués qui pourraient dans le futur améliorer le devenir de nos patientes
Présidente de la Fondation Cancer Médecin directeur du pôle Kriibszentrum au Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL)
Vers un nouveau standard de traitement des tumeurs gastro-intestinales
L’essai de phase III MATTERHORN a montré que l’ajout du durvalumab à la chimiothérapie FLOT en périopératoire améliore significativement la survie globale et la survie sans événement chez les patients atteints d’un adénocarcinome gastrique ou de la jonction gastro-oesophagienne résécable.
Le bénéfice était indépendant du statut PD-L1 et les effets secondaires étaient comparables à ceux du FLOT seul. Ces résultats soutiennent l’association durvalumab + FLOT comme nouveau standard de traitement.
Médecine Interne-Oncologie au Centre Hospitalier Emile Mayrisch (CHEM)
Les ADCs s’imposent comme une alternative de choix dans le cancer du sein
Des données remarquables tant en termes d’efficacité que de tolérance ont été présentées quant à l’utilisation des ADCs (Antibody Drug Conjugates), ces thérapies innovantes qui combinent la précision d’un anticorps - qui repère les cellules cancéreuses - avec la puissance d’une chimiothérapie, libérée directement au coeur de la tumeur pour en limiter les effets secondaires.
En effet, ces ADC révolutionnent réellement la prise en charge de nos patientes, surtout dans les sous-types les plus agressifs de cancer du sein. Ainsi, dans le contexte de tumeurs dites « triples négatives » métastatiques en première ligne, l’administration de Sacituzumab Govitécan ou de Datopotamab Déruxtécan en remplacement de chimiothérapies classiques permet d’obtenir des résultats supérieurs à celles-ci, notamment en termes de réponse tumorale et de durée de contrôle de la maladie, tout en préservant la qualité de vie des patientes. Plus important encore, en cas de tumeurs HER 2+ à haut risque mais potentiellement curables, l’administration du Trastuzumab Déruxtécan avant ou après l’opération chirurgicale permet d’augmenter le taux de réponse tumorale et les chances de guérison sans compromettre la tolérance au traitement.
Médecin chef du service Hémato-oncologie au Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL)
Berlin, la ville de cancers urologiques
La première étude importante s’intéresse aux patients présentant des tumeurs de la vessie localement avancées avec infiltration du muscle mais non métastatiques, trop fragiles pour supporter le traitement préopératoire standard à base de sels de platine. Le traitement expérimental avec enfortumab vedotin (EV) - durvalumab (immunothérapie) montre une survie globale majorée chez ces patients vulnérables ne supportant pas le traitement standard.
La deuxième grande avancée, encore plus marquante, est une étude traitant des patients avec des cancers de la vessie métastatiques HER2 positifs, traités par une molécule anti-HER2 associée à une immunothérapie. Cette association double quasi la survie sans progression. Des résultats presque inédits dans le cancer de la vessie.
Une troisième nouveauté dans le cancer de la vessie opéré est l’étude IMvigor 011, où des patients atteints de cancer de la vessie opéré ont été surveillés par des prises de sang hebdomadaires. En cas de détection de DNA circulant de la tumeur dans le sang, ils ont été traités immédiatement par immunothérapie sans que des métastases soient visibles sur le scanner. Cette étude, a elle aussi, montré un bénéfice clair de survie pour les patients traités par immunothérapie. Dommage qu’à l’heure actuelle le dosage sanguin du DNA circulant ne soit pas encore possible en routine en Europe.
La dernière étude intéressante traite des patients atteints de cancer de la vessie SANS infiltration du muscle. Ces patients sont habituellement traités par injection intravésicale de BCG après ablation de la tumeur (traitement standard). En ajoutant une immunothérapie par voie intraveineuse dans le groupe expérimental, cette étude montre un risque de récidive à cinq ans diminué de 32 %, au prix néanmoins d’effets secondaires majorés dans le bras expérimental.
Médecin spécialiste en oncologie médicale au Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL)
Cancers cérébraux : des pistes qui éveillent la curiosité
Les avancées dans les traitements oncologiques des tumeurs solides cérébrales sont laborieuses et lentes. Il n’est donc pas surprenant que l’ESMO 2025 à Berlin n’ait pas rapporté de percées révolutionnaires permettant des changements imminents de notre prise en charge actuelle des tumeurs cérébrales.
Néanmoins, notons un petit nombre d’études qui rendent curieux, et des traitements qui pourraient s’avérer prometteurs dans le futur.
Par exemple, dans le traitement des cancers cérébraux les plus agressifs et redoutés, plusieurs études préliminaires incluant des combinaisons de substances déjà connues - mais également de nouvelles molécules - ont été présentées, notamment en combinant la radiothérapie et le temozolamide (standard actuel) avec un inhibiteur PARP (olaparib) ou un inhibiteur VEGFR (regorafenib) (Etudes 662MO et 660MO). Remarquable, comme dans d’autres domaines oncologiques, était une forte présence d’équipes scientifiques chinoises. Celles-ci ont présenté un grand nombre de thérapeutiques ciblées ou immunothérapeutiques développées et produites en Chine (par exemple, l’agoniste de la procaspase SM1, l’acide chlorogénique injectable localement et même un traitement par CAR-T).
Ces études ont montré que les traitements proposés étaient faisables (sans toxicité prohibitive) et potentiellement prometteurs. Cependant, jusqu’ici plus de 90 % des stratégies thérapeutiques arrivant à ce stade ne parviennent pas à démontrer une véritable plus-value dans des études ultérieures plus exigeantes.
Hématologue et oncologue au Centre Hospitalier Emile Mayrisch (CHEM)
Tumeurs ORL : peu d’avancées thérapeutiques, mais des pistes pour améliorer la qualité de vie des patients
Malheureusement, aucune étude véritablement susceptible de modifier la pratique clinique n’a été présentée dans le domaine des tumeurs ORL lors du congrès ESMO 2025. Les grandes études rapportées (notamment ADRISK, IHN01, JCOG1912 et CompARE) n’ont montré aucun bénéfice significatif sur la survie ou le pronostic global des patients.
Cependant, l’étude BD4QoL a apporté un résultat majeur sur le plan de la qualité de vie des patients atteints de tumeurs ORL localisées.
L’étude internationale BD4QoL, randomisée et menée auprès de 420 patients atteints de cancers ORL, a comparé un suivi clinique standard à l’usage d’une plateforme numérique intégrant une application mobile avec chatbot et un tableau de bord pour les médecins. Le critère principal, la détérioration du score de santé global (EORTC QLQ-C30), était significativement moindre dans le groupe utilisant l'application après deux ans. Première étude à démontrer un bénéfice sur la qualité de vie grâce à un outil numérique, BD4QoL montre le potentiel des technologies pour un suivi post-thérapeutique plus réactif, personnalisé et centré sur le patient.
Médecine interne, Oncologie et hématologie et Soins palliatifs au Centre Hospitalier du Nord (CHdN)
Hématologie : l’intérêt de l’IRM corps entier séquentielle pour le suivi des patients atteints de myélome multiple
Dans le domaine de l’hématologie, le congrès ESMO 2025 n’a pas présenté de résultats révolutionnaires, mais principalement des données préliminaires provenant d’études de phase précoce. Des avancées plus déterminantes sont attendues lors du congrès ASH (American Society of Hematology), qui se tiendra en décembre à Orlando (États-Unis).
Il convient néanmoins de mentionner une étude prospective menée à Athènes. Cette étude a évalué l’apport d’une IRM corps entier séquentielle (WBMRI), en complément de l’évaluation sérologique, chez les patients atteints de myélome multiple récemment diagnostiqué. Le WBMRI s’est révélé plus sensible que la sérologie pour détecter les lésions osseuses et suivre précocement la réponse au traitement. Ces résultats suggèrent que l’imagerie ne doit pas se limiter à l’évaluation initiale, mais qu’elle peut être utilisée de manière séquentielle pour suivre la réponse thérapeutique et identifier les complications potentielles.
Mon coup de coeur 2025 : le Tarlatamab dans le cancer bronchique à petites cellules (CBPC)
Mon coup de coeur concerne le Tarlatamab, un médicament ciblant les lymphocytes T. Les données présentées montrent un gain de survie significatif par rapport au traitement de référence dans le cancer bronchique à petites cellules, forme particulièrement agressive de cancer bronchique, longtemps resté le parent pauvre des innovations thérapeutiques.
Les études se sont surtout intéressées à la tolérance du Tarlatamab. Environ 50 % des patients présentent un syndrome de relargage cytokinique, se manifestant par fièvre et hypotension dans les 8 à 12 heures suivant la perfusion. Ces effets indésirables sont le plus souvent modérés et ne nécessitent pas de traitement particulier, mais imposent une organisation adaptée pour la surveillance, probablement au début en hospitalisation. Un autre effet secondaire, plus rare, est l’ICANS (troubles neurologiques d’origine immunitaire), observé chez environ 7 % des patients, survenant plus tardivement.
Le Tarlatamab s’impose comme le nouveau standard en deuxième ligne du CBPC. Il n’est pas encore disponible au Luxembourg.
L’avenir du Tarlatamab s’annonce prometteur, avec des études de première ligne avec la chimio-immunothérapie. Les résultats sont très encourageants, avec une médiane de survie doublée, dépassant deux ans, sans majoration notable de la toxicité.
Médecin spécialiste en pneumologie, oncologie et tabacologie Zithaklinik – Hôpitaux Robert Schuman (HRS)
Le congrès ESMO 2025 a été un rendez-vous majeur pour découvrir les innovations thérapeutiques en oncologie, mais il ne s’est pas limité à cet aspect. Il a aussi constitué une véritable plateforme d’échanges et de réflexion sur l’évolution de la cancérologie, notamment à travers l’intégration croissante de l’intelligence artificielle dans la pratique clinique. D’autres sessions ont également mis en avant une approche plus globale du patient et de son parcours, soulignant l’importance de la prévention, de la qualité de vie et de l’engagement des patients. En somme, au-delà des avancées thérapeutiques présentées, l’ESMO 2025 a confirmé que l’avenir de l’oncologie repose autant sur l’innovation scientifique que sur une prise en charge humaine, personnalisée et durable.