Qu’est-ce que la médecine factuelle ? 

Prendre les bonnes décisions médicales est difficile, parfois même pour les spécialistes. Quels  sont les avantages et les inconvénients d’un traitement ou d’un examen ? Est-il vraiment nécessaire, existe-t-il d’autres solutions ? La médecine factuelle ou fondée sur des données probantes (evidence-based medicine ou EBM en anglais) recherche des réponses fiables  afin que les patients puissent recevoir le traitement le plus adapté à leur cas. Elle s’appuie sur les preuves scientifiques et non sur des théories ou des avis d’experts.

Dans cet article, vous découvrirez quels sont les différents types d'études scientifiques et comment évaluer leur fiabilité. 

 

18 août 2021
comprendre des etudes scientifiques

Factuel, ou fondé sur des données probantes signifie qui repose sur des résultats et des preuves scientifiques. Il s’agit donc d’une médecine qui ne s’appuie pas seulement sur des points de vue et des expériences personnels mais qui se base sur les meilleures preuves vérifiables lors de l’utilisation d’un traitement ou d’un examen. Ce type de preuves se trouve dans des études de qualité qui en vérifient les avantages et les inconvénients. 

Quels sont les différents types d’études?

Les études scientifiques peuvent notamment prendre la forme d’expériences et de recherches comparatives, d’études d’observation, de sondages ou d’entretiens. Le type 
d’étude choisi dépend avant tout de la question de départ. Pour prendre leurs décisions, les patients comme les médecins ont besoin de réponses aussi fiables que possible. Voici les informations qui peuvent être recherchées en fonction de la pathologie et de la situation personnelle : 

  • quelle est la cause de la maladie ?
  • comment va évoluer la maladie si je ne fais rien ?
  • quels changements le traitement va-t-il entraîner ?
  • combien de personnes sont atteintes par cette maladie ?
  • comment s’en sortent les autres ?

Il existe en effet un type d’étude adapté à chacune de ces questions. Les études les plus importantes sont les essais randomisés contrôlés (randomized controlled trials ou RCT en anglais), les études de cohorte, les études de cas-témoins, les études quantitatives.

Les différents types d'études en fonction de leur objectif

Lorsqu’il s’agit de vérifier l’efficacité d’un traitement ou d’un examen, les essais randomisés contrôlés fournissent les réponses les plus fiables. Dans ce type d’étude, l’effet d’un traitement est souvent comparé à une évolution sans traitement (ou à un autre traitement), cela permet également de voir ce qui se passe lorsqu’on se prononce contre un traitement ou un examen. Dans un essai randomisé contrôlé, les participants sont placés dans différents groupes au hasard, « randomisé » signifiant aléatoire. Un groupe reçoit ensuite le nouveau médicament A par exemple, alors que l’autre groupe prend le médicament B qui a déjà fait ses preuves, ou un placébo (substance neutre). Le médicament et le placébo devraient tant que possible ne pas pouvoir être différenciés visuellement et, par exemple, au niveau gustatif. 
Idéalement, la répartition des groupes est réalisée en double aveugle : elle est inconnue des participants et des médecins.

Les essais randomisés contrôlés fournissent les meilleurs résultats lorsqu’il s’agit de déterminer une relation de causalité. Ils peuvent par exemple répondre à la question  suivante : le nouveau médicament A convient-il mieux pour le traitement du cancer que le traitement standard utilisé actuellement ?

Une cohorte est un groupe de personnes observées régulièrement durant de nombreuses années, en vue d’établir par exemple la fréquence de survenue d’une pathologie précise. Dans une étude de cohorte, deux groupes ou plus, exposés à diverses influences sont observés: par exemple un groupe fume et l’autre pas. On peut alors examiner comment évolue la santé des deux groupes au fil des années, si les participants tombent malades et dans ce cas, de quelles maladies il s’agit, et observer combien d’entre eux décèdent. Dans les études de cohorte, les participants sont souvent en bonne santé au début de l’étude. 

Ces études peuvent avoir un but prospectif ou rétrospectif. Dans une étude prospective, l’évènement qui intéresse les chercheurs (une pathologie précise par exemple) n’est pas encore survenu au début de l’étude. Ils peuvent cependant décrire à l’avance et avec précision les évènements qu’ils souhaitent mesurer ainsi que d’autres éventuels facteurs déterminants. Dans une étude rétrospective, l’évènement (la pathologie) est déjà survenu au début de l’étude, on recherche alors rétrospectivement les facteurs de risque.

Les études de cohorte peuvent avant tout aider à répondre à des questions liées à la fréquence et aux facteurs de risque d’une maladie. Elles permettent par exemple de vérifier la question suivante : le tabagisme augmente-t-il le risque de cancer du poumon?

Dans les études de cas-témoins, des individus malades sont comparés à des personnes en bonne santé mais qui leur ressemblent par ailleurs autant que possible, étant par exemple du même sexe et du même âge. Les deux groupes de personnes sont alors interrogés ou leurs dossiers médicaux sont analysés pour déterminer si des influences sont à prendre en compte comme facteurs de risque pour la pathologie. Une étude de cas-témoins est donc généralement rétrospective.

Les études de cas-témoins constituent par exemple un moyen de recueillir des connaissances supplémentaires dans le cas de maladies rares. Elles ne sont du reste pas aussi onéreuses et aussi longues que les essais randomisés contrôlés ou les études de cohorte. Cependant, il est souvent difficile de déterminer les caractéristiques communes aux individus et de savoir qui comparer avec qui. Comme les questions se rapportent essentiellement aux évènements passés, les chercheurs font donc également appel à la mémoire des participants, or ces derniers peuvent par exemple ne plus se souvenir s’ils étaient auparavant exposés à un facteur de risque précis. 

Les études de cas-témoins peuvent malgré tout aider à identifier les causes d’une pathologie et à se pencher, par exemple, sur la question suivante : une infection à papillomavirus humain représente-t-elle un facteur de risque pour le cancer du col de l’utérus ?

Les études de cohorte et les études de cas-témoins sont également appelées « études d’observation».

Le sondage représente la forme classique de l‘étude transversale: des entretiens ou une enquête sont réalisés auprès d’un échantillon de personnes, représentative de la population, choisi le plus souvent de façon aléatoire, afin de recueillir des opinions ou des faits précis. Les données n’étant recueillis qu’une seule fois, les études transversales sont souvent rapides à réaliser et comparativement bon marché. Elles peuvent notamment fournir des informations sur la fréquence d’une maladie. Les études transversales ne permettent cependant ni d’identifier les causes d’une maladie, ni de déterminer le meilleur traitement pour cette dernière.

Les études transversales peuvent par exemple se pencher sur la question suivante: combien de personnes participent à un dépistage précoce du cancer ?

Ce type d’études est utilisé pour comprendre la façon dont vivent les individus atteints d’une maladie spécifique ainsi que leur expérience personnelle. Les fondements d’une étude qualitative ne sont ni les chiffres ni les données comme dans les autres types  d’études. Il s’agit du contenu de récits, d’entretiens avec les malades et leurs proches, de documents écrits et d’observations. 

Les études qualitatives peuvent par exemple se pencher sur la question suivante : quels aspects sont particulièrement importants pour les hommes atteints de cancer de la prostate lors du traitement ?

Quelle est la fiabilité des différents types d’études ?

Chaque type d’étude présente ses avantages et ses inconvénients. Seuls les essais randomisés contrôlés peuvent livrer des informations fiables sur la cause et les effets. Les autres études permettent en règle générale uniquement de faire ressortir des corrélations. 

Comment les études sont-elles évaluées ?

Comment savoir si une étude est valable ou non? La question peut d’abord surprendre ceux qui supposent que toute étude apporte de nouveaux constats exploitables. Les choses ne sont pourtant pas si simples. Bien des études ne fournissent pas d’informations fiables. 

Il est donc d’autant plus important de vérifier scrupuleusement chaque étude. Ceci peut se faire dans le cadre par exemple d’une revue systématique qui analyse toutes les études disponibles sur une question médicale précise. 

Pour évaluer la fiabilité des résultats d’une étude, il faut tout d’abord vérifier les raisons de sa réalisation et la question de départ. Ensuite, il convient de vérifier si la méthodologie de l’étude était adaptée à cette question de départ, si elle a été réalisée en bonne et due forme ou si des erreurs systématiques (biais) ont pu fausser les résultats. 

Les principales questions à se poser pour évaluer la qualité d’une étude : 

  • Le type d’étude est-il adapté pour répondre à la question de recherche ?
  • Comment les participants ont-ils été abordés et sélectionnés ?
  • Les chercheurs ont-ils décrit de façon exhaustive et intelligible la conduite de l’étude et les résultats ?
  • Le nombre de participants était-il suffisant pour apporter une réponse à la question de recherche ? Plus la différence est faible, plus le nombre de participants doit être élevé pour qu’une différence puisse être validée comme étant « réelle ».
  • Les critères d’évaluation étaient-ils adaptés pour démontrer l’intérêt du traitement étudié ?
  • L’étude a-t-elle été suffisamment longue ?
  • Combien de participants ont quitté l’étude durant sa réalisation et pourquoi ? Combien de participants n’ont plus pu être suivis (Follow-up) et pourquoi ?
  • Le traitement concomitant a-t-il été le même dans les groupes ?
  • La comparaison était-elle équitable ?
  • Les mêmes méthodes ont-elles été appliquées dans les deux groupes pour évaluer la réussite du traitement ?
les bonnes questions a se poser face aux etudes scientifiques

Pour évaluer les essais randomisés contrôlés, les informations ci-après sont en plus nécessaires :

  • Comment la répartition aléatoire des groupes a-t-elle été effectuée ?
  • La répartition était-elle vraiment le fruit du hasard? Qu’est-ce qui a pu influencer la sélection? S’est-on (dans la mesure du possible) assuré que ni les participants, ni les médecins, ni les personnes chargées du dépouillement de l’enquête ne savaient qui était dans quel groupe (procédure d’insu) ?
  • Tous les participants sont-ils restés pendant la durée de l’étude dans le groupe d’étude auquel ils avaient été initialement affectés ?

Que sont des revues systématiques et des méta-analyses ?

Souvent, une seule étude n’est pas suffisamment importante et significative pour pouvoir répondre de façon fiable à une question de recherche. Ou il existe plusieurs études sur l’intérêt d’un traitement mais qui arrivent à des conclusions contradictoires. Pour obtenir une réponse fiable, il est ainsi nécessaire autant que possible d’étudier et d’analyser l’ensemble des études. 

La revue systématique

Une revue systématique (en anglais = systematic review) fait la synthèse des résultats de toutes les études sur un traitement médical, elle en vérifie la qualité et l’analyse selon un processus établi, méthodique et élaboré. C’est en quelque sorte une « étude sur les études ». Bien menée, elle peut donner un aperçu fiable de l’état des connaissances sur un sujet précis.

La banque de données Cochrane Library constitue par exemple une source majeure de revues systématiques. Elle est éditée par la Cochrane Collaboration, un réseau international de scientifiques qui se sont spécialisés dans l’élaboration de revues systématiques. 

Quand parle-t-on de méta-analyse ?

Dans le cadre d’une revue systématique, les résultats de toutes les études répertoriées peuvent dans certaines conditions être synthétisés en un résultat global. C’est ce qu’on appelle une méta-analyse. Ce résultat global est souvent bien plus pertinent que les résultats des différentes études.