Cancer : une maladie chronique

Les chances de guérir d’un cancer ont énormément évolué ces dernières années, notamment grâce au progrès de la recherche, aux nouveaux traitements et aux dépistages précoces. Si actuellement 60 % des cancers sont guérissables, il reste néanmoins des cancers incurables. Heureusement, les temps où incurable était synonyme de mort prochaine sont révolus. Un grand nombre de personnes impactées vivent de nombreuses années. Et l’avenir réserve encore de beaux espoirs dans l’avancée scientifique en oncologie.

 

 

Cancer, une maladie crhonique

La notion de chronicité

La notion de cancer comme maladie chronique se fait de plus en plus présente pour les cancers qui ne sont pas guérissables dans les conditions actuelles du savoir médical. En oncologie, l’utilisation du terme de « maladie chronique » n’est pas unanime et laisse place à de nombreux débats.  Chaque pays ou institution en développe sa propre définition.  L’OMS définit les maladies chroniques « comme une affection de longue durée qui, en règle générale, évolue lentement. » Une affection de longue durée est souvent quant à elle définie comme une maladie grave et/ou chronique nécessitant un traitement prolongé. Le terme « affection de longue durée (ALD) » sera employé par le corps médical, alors que celui de chronicité est utilisé dans le jargon psychologique pour introduire la temporalité psychique.

"Une affection de longue durée est souvent quant à elle définie comme une maladie grave et/ou chronique nécessitant un traitement prolongé."

Au Luxembourg

Les tumeurs malignes sont reconnues comme affections de longue durée par la CNS.

Le cancer est une maladie qui coûte cher aux patients et à leurs familles. Les frais annexes ne sont remboursés qu’en partie : taxi-ambulance, aide familiale, kinésithérapie, soins de support (perruques, produits de soins spécifiques, compléments nutritionnels, etc.).

Les frais se multiplient quand les suivis se font parallèlement dans d’autres pays : frais de transports, de logement, de garde, etc.

Cancer et chronicité

Il n’existe malheureusement pas de réponse simple à cette question car le terme de chronicité n’a pas encore été clairement défini en oncologie. Dans cette page, un cancer chronique est un cancer non guéri mais contrôlé par les traitements, de sorte que les concernés puissent continuer à vivre des mois voire des années avec la maladie. La pathologie est donc stabilisée au moins pour une certaine période et la vie peut être prolongée.

«Vivre avec le cancer » n’est pas « vivre après le cancer ». Les défis auxquels font face les personnes atteintes et leurs proches sont également différents. Avec la chronicité du cancer, les médecins, le personnel soignant et les hôpitaux font partie du quotidien, une expérience en soi marquante pour beaucoup de patients. La chimiothérapie doit être intégrée à la vie comme une nouvelle routine et c’est souvent très déstabilisant. La répétition des traitements médicaux et de leurs effets secondaires lève toute éventuelle ambiguïté : le cancer n’est pas vaincu.

La chronicité peut mettre un point final à certains projets tels qu’un désir d’enfant non réalisé. Le couple se retrouve alors à devoir abandonner son rêve, avec le travail de deuil que cela suppose. De l’extérieur, les autres trouvent souvent plutôt réconfortant que bien des cancers puissent aujourd’hui être au moins stoppés ou ralentis, quand ils entraînaient rapidement la mort autrefois. Le prolongement de la vie s’accompagne cependant souvent de troubles/problèmes physiques, parfois aussi de difficultés sociales et financières et de l’angoisse liée à l’avenir avec la maladie. Les problèmes que pose la maladie, aussi « chronique » soit-elle, restent pour les concernés omniprésents la plupart du temps. Une maladie aiguë survenant une seule fois laisse, une fois le traitement terminé, le souvenir d’un épisode de la vie désagréable. La pathologie chronique ouvre en revanche un nouveau chapitre de la vie et il faut d’abord apprendre à vivre avec elle. Il n’est pas toujours facile de trouver le bon équilibre entre la vie de patient et le quotidien normal avec toutes les activités et obligations qu’il suppose.

Un cancer jamais véritablement vaincu peut décourager, que ce soit parce qu‘il faut toujours traiter des récidives ou parce qu’il n’y a jamais de phase de rémission. Les sentiments de tristesse, de peur, de colère ou de désespoir sont alors fréquents. Il faut pourtant garder en tête qu’en matière de recherche contre le cancer, des travaux sont menés sans relâche pour développer les connaissances sur l’apparition de la maladie et mettre au point de nouveaux traitements. Comme mentionné, les nouvelles options thérapeutiques ont déjà fortement contribué à allonger la durée de vie avec certains cancers. De telles avancées donnent de l’espoir.

De nombreux témoignages de patients montrent à quel point l’espoir peut fluctuer ou évoluer à un niveau très personnel.

«J’espère bien sûr qu’un nouveau traitement sera découvert de mon vivant et que j’arriverai à me débarrasser de ce cancer. Lorsque le moral est moins bon, je me raccroche à ce petit espoir, cela me permet de continuer à me battre. » (Marcel, 43 ans, tumeur cérébrale)

« Avant, j’espérais évidemment guérir. Il n’y avait que cela qui comptait. Aujourd’hui, c’est «Vivre avec le cancer » n’est pas «vivre après le cancer ». Les défis auxquels font face les personnes atteintes et leurs proches sont également différents. J’espère pouvoir passer quelques belles journées à la mer avec ma famille. J’espère pouvoir faire cette randonnée avec mes amis le week-end prochain sans trop souffrir. J’espère pouvoir faire encore beaucoup de parties de skat avec mes amis. Enfin, et surtout, j’espère que la cure à venir va avoir un effet réparateur et me fortifier. » (Marie-Anne, 73 ans, cancer de l'intestin)

« Le jour où cela n’ira plus, après toutes ces années à vivre avec le cancer, j’espère que je pourrai mourir sans souffrances et dans la dignité. » Car c’est également cela, l’espoir. Comment réussir à vivre avec un cancer chronique? J’ai mis beaucoup de temps à accepter que je ne me débarrasserai pas de ce cancer. J’ai d’abord été terrifiée, je ne faisais que pleurer, je maudissais la médecine, j’étais en colère que cela m’arrive. En parlant avec mes amis et grâce au soutien de ma psychologue, j’ai réussi à retrouver mon chemin. J’essaie désormais de prendre chaque journée comme elle vient, avec plus ou moins de succès. Je fais en tout cas en sorte d’organiser moi-même ma vie, de la structurer. Certaines connaissances veulent me donner des conseils. Elles me disent de vivre au maximum, de voyager, de faire et de découvrir des choses. Comme si c’était possible chaque minute de chaque journée… Non, je profite de mon quotidien. J’apprécie prendre un café le matin avec mon mari, lire, jardiner. Cela peut paraître banal mais j’aime savoir que cette normalité existe encore. » (Carmen, 62 ans, cancer du sein métastatique)

Le témoignage de Carmen montre sa façon très personnelle de vivre la chronicité du cancer. L’important à ses yeux est de maintenir le quotidien, de profiter de sa «normalité ». Il n’existe pas de manière unique et correcte de faire face à un cancer chronique, à chacun de trouver sa voie. Ne pas s’éloigner de ce qui compte dans sa propre vie, des valeurs auxquelles on est le plus attaché (famille, travail, activité, sport, voyage, nourriture, pour ne nommer que celles-là) est important, même avec une maladie chronique.

 

L’évolution de la maladie

Le patient en phase chronique a une maladie incurable, évolutive et potentiellement mortelle. Certains patients ont reçu directement, à l’annonce de la maladie, un diagnostic de cancer métastasé. Pour d’autres, l’annonce de la chronicité se fait après des récidives ou au décours des traitements. Lorsque l’intensité et le nombre de symptômes augmentent, et que le cancer continue à se propager, on dit qu’il évolue.
On parle alors de médecine palliative : c’est-à-dire une médecine centrée sur les symptômes et/ou la « maîtrise » des cellules cancéreuses.

Les soins médicaux ne permettent plus d’éradiquer la maladie, mais ont comme objectif de maintenir la meilleure qualité de vie possible aussi bien sur les plans physiques, psychiques, relationnels et sociaux. Des traitements comme la chimiothérapie ou la radiothérapie peuvent être utilisés comme dans les phases curatives, mais leurs objectifs seront de contenir la maladie, de prolonger la vie et/ou de soulager les symptômes.

L’évolution constante des traitements amène heureusement à repousser la fin de vie. Le corollaire étant que de plus en plus de patients sont suivis dans les différents services médicaux.

Palliatif

Dans le langage courant, on utilise souvent le terme « palliatif » pour parler de fin de vie. Palliatif signifie d’abord qu’un cancer n’est pas curatif, qu’une rémission complète ne sera probablement jamais possible. Le patient va devoir apprendre à vivre avec le cancer, gérer les symptômes et les divers effets secondaires sur le long terme.


 

Un combat au quotidien !

Vivre avec un cancer chronique impacte fortement la qualité de vie : fatigue physique et mentale, effets secondaires divers des traitements, vulnérabilité immunitaire. Le corps est changé et parfois mutilé.
Les patients doivent vivre avec l’idée que les cellules cancéreuses resteront présentes au quotidien dans leur corps sans que cela ne soit nécessairement visible à l’extérieur.

Ils doivent réinventer une nouvelle manière de vivre avec une maladie qui fera partie intégrante au quotidien de leur nouvelle « normalité ».

Cancer chronique témoignage
Un jour, le médecin m’a annoncé que le cancer était devenu chronique. Je me suis demandé ce que cela signifiait. Pour moi, seuls l’asthme et le diabète pouvaient être chroniques, pas le cancer !
Je vis au jour le jour.

Une amie a présumé que c’était juste une formule du médecin pour ne pas dire que j’allais bientôt mourir. C’était il y a trois ans et je comprends maintenant ce qu’il entendait vraiment par « chronique ». Mon cancer revient malheureusement toujours. Comme je suis suivie de très près, les trois opérations que j’ai subies ont suffi à le tenir en échec. 

Marie, 67 ans, cancer du poumon 

 

Un nouveau défi ...

... pour les patients

Les impacts sont nombreux. La personne malade doit apprendre à vivre sans l’espoir de guérison, avec les traitements, les visites et les examens médicaux réguliers. Si au départ la famille ou les amis sont présents, il leur est de plus en plus difficile de libérer du temps, à moyen et long terme, pour les accompagner dans les nombreux rendez-vous à l’hôpital. Étant eux-mêmes impactés par la maladie de leur proche, ils éprouvent parfois le besoin de se distancier pour se protéger émotionnellement. Ils sont souvent moins disponibles, aussi bien pour l’aide pratique que pour le soutien émotionnel. Si au départ, les patients arrivent de manière brutale dans un nouvel univers dont ils ne connaissent presque rien et qui leur est étranger, avec le temps et le nouveau rythme imposés par la maladie, les soignants et médecins deviennent parfois les personnes les plus présentes au quotidien.

... et pour les soignants

Le nombre croissant de patients amène des nouveaux défis pour les équipes pluridisciplinaires concernées, dont les dotations restent stables, mais qui doivent désormais partager leur temps disponible entre davantage de patients.

Ce manque de temps et de disponibilité des professionnels peut amener à une insatisfaction des patients qui peuvent se plaindre du sentiment d’abandon.
Pour les équipes médicales, la chronicité des cancers implique une collaboration de plus en plus grande étroite entre les différents spécialistes et intervenants dans la prise en charge globale du patient, parfois implantés dans des hôpitaux et même dans des pays différents. Ce nouveau type de prise en charge exige un besoin de temps, dont ils manquent déjà cruellement.

... avec le temps et le nouveau rythme imposé par la maladie, les soignants et médecins deviennent parfois les personnes les plus présentes au quotidien ...

Vivre avec le cancer : Comment préserver au mieux une qualité de vie ?

Les rendez-vous médicaux et les traitements

En fonction des protocoles et des traitements, les allées et venues à l’hôpital seront plus ou moins fréquentes. Certains vont poursuivre un traitement (chimiothérapie, radiothérapie, thérapie ciblée), d’autres vont recevoir un traitement de confort.
La vie avec la maladie est rythmée par de nombreux rendez-vous médicaux et paramédicaux. Il est important de rester acteur de sa santé, de s’informer sur les effets secondaires potentiels, sur les traitements possibles, les recherches en cours, …

Le dialogue avec l'oncologue
Développer une relation de confiance avec son oncologue et les équipes soignantes permet de se sentir en sécurité pour aborder les questions que l’on souhaiterait aborder et que l’on n’ose pas toujours. Noter les questions au fur et à mesure dans un carnet par exemple permet de se préparer pour les rendez-vous et de reprendre un certain sentiment de contrôle dans sa prise en charge.

S'informer des traitements
S’informer des effets secondaires d’un traitement permet de les anticiper quelque peu, d’être moins surpris. Cela donne aussi la possibilité de prendre des décisions éclairées sur les options thérapeutiques et de gagner un sentiment de contrôle.

Il est important de rester acteur de sa santé

La vie avec la maladie est rythmée par de nombreux rendez-vous médicaux et paramédicaux.

Adapter son quotidien 

La gestion de la fatigue et/ou de la douleur vont devenir des points fondamentaux dans le quotidien, d’où l’importance d’anticiper des moments de repos (quand les enfants sont à l’école, entre différentes tâches, après les traitements, etc.). Il faudra apprendre à déléguer certaines tâches ménagères ou administratives, à distinguer l’essentiel de l’accessoire, à profiter le plus possible des moments où l’on se sent en forme. Il faudra apprendre aussi à demander ou à accepter de l’aide. Il y a souvent plus de personnes autour de soi prêtes à se rendre utile qu’on ne le pense.

Vivre avec l’incertitude

Les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas. En fonction du stade de la maladie, il est parfois difficile de se projeter, même au cours de la même journée. Si parfois, l’entrain permet des activités sportives, l’état de fatigue impose aussi d’annuler des repas ou activités diverses. La personne touchée par la maladie et son entourage proche ou élargi doivent apprendre à accepter cette part d’incertitude et les déceptions qui l’accompagnent. Si de grands rêves ne sont plus toujours réalisables, il est important pour le moral de continuer à se projeter dans différents projets et de s’y prendre pas à pas en fonction de l’énergie du moment.

Des zones préservées "sans cancer"

Certaines personnes souhaiteront continuer à travailler, à « faire comme si » tout était normal. Pour d’autres, cela ne sera pas possible. Il est important d’avoir un espace à soi, des activités physiques qui permettent de garder le corps en mouvement, des activités créatives ou culturelles pour se divertir, de partager et pourquoi pas de continuer à apprendre. Pour chacun, le défi sera de continuer à trouver du sens et des moments de bonheur dans des zones hors cancer, de mettre ses priorités sur ce qui fait plaisir et ce qui fait du bien.

L'entourage et la sphère professionnelle

La maladie exige un remaniement dans le rapport aux autres. Certaines personnes préfèrent ne pas parler de leur maladie, d’autres ont un grand besoin d’exprimer leur vécu. Sous le choc, certaines personnes « se coupent » de leurs émotions, d’autres sont irritables suite à cette injustice vécue. Les relations peuvent devenir extrêmement compliquées. Garder des liens affectifs est pourtant des plus importants pour le bien-être psychique et mental.

Jongler entre les activités familiales et obligations tout en laissant la place à la communication et aux émotions de chacun peut relever de l’ordre du défi. Le cancer vient bouleverser un équilibre familial qui pouvait être déjà fragile avant la maladie. Si la relation de couple peut être le support le plus important, il peut aussi être source de divers conflits. Le cancer a un impact sur la vie intime et sexuelle et il est primordial de préserver des moments à deux, hors maladie, hors enfants, dans des zones de légèreté et de rires.

Vivre seul quand on se bat contre un cancer peut s’avérer extrêmement compliqué. Les personnes de l’entourage peuvent être une source de soutien et de réconfort et peuvent aider dans les aspects plus pratiques (faire les courses dans les moments de fatigue extrême ou après les traitements, amener un repas, accompagner lors des examens médicaux, proposer des sorties). Il faudra parfois apprendre à demander de l’aide et faire appel à son réseau comme un filet de sécurité.

 

Parler à des proches de ce que l’on vit, de ses peurs et de ses préoccupations peut également soulager. 

L’échange avec d’autres malades peut permettre de valider ses propres sentiments, pensées et espoirs et de savoir ce qui les a aidés dans les moments difficiles. Régulièrement, les psychologues de la Fondation Cancer proposent aussi des groupes de parole.

Besoin d'en parler ?

Le service psychosocial de la Fondation Cancer est constitué de psychologues diplômés, aux qualifications psychothérapeutiques supplémentaires pour soutenir les malades et leurs proches.

L’offre de la Fondation Cancer est entièrement gratuite. Les entretiens peuvent se dérouler en luxembourgeois, en allemand, en français, en anglais, en grec, en espagnol et en portugais. L’aide psycho-oncologique s’adresse également aux proches ou aux couples qui cherchent à mener ensemble aussi bien que possible leur vie avec un cancer chronique. 

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Martine Risch

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